Le cas spécifique des Français fortunés installés en Suisse

Les millionnaires étrangers installés sur sol suisse/genevois pourront continuer, suite aux votations du 30 novembre 2014, à bénéficier du système d’imposition d’après la dépense (appelé aussi « forfait fiscal »).

Pourtant, la situation des contribuables français imposés d’après la dépense en Suisse est particulière.

En effet, depuis le 1er janvier 2013, ils ne bénéficient plus des avantages de la Convention de double imposition signée entre la France et la Suisse.

Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

La Convention de double imposition Franco-Suisse

La double imposition, c’est le fait de supporter l’impôt dans deux États différents sur le même élément de revenu ou de fortune. Les Conventions de double imposition signées entre deux pays visent précisément à éviter, voire dans certains cas simplement à minimiser, la double imposition des personnes et des entreprises.

Elles définissent notamment la résidence fiscale, c’est-à-dire le lieu où la personne ou l’entreprise sera imposée, afin d’éviter qu’un citoyen ou une entreprise d’un pays résidant dans un pays tiers ne soit imposé à la fois dans son pays d’origine ou de fondation et dans son pays-hôte.

La France et la Suisse ont signé une Convention de double imposition en date du 9 septembre 1966; celle-ci est entrée en vigueur le 26 juillet de l’année suivante. Elle prévoit notamment que l’expression « résident d’un État contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit État, est assujettie à l’impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue.

L’expression « résident d’un État contractant » inclurait donc les résidents français imposés au forfait en Suisse. Cette disposition prévoit toutefois plusieurs exceptions, dont une qui dit que n’est pas considérée comme résident d’un État contractant une personne physique qui n’est imposable dans cet État que sur une base forfaitaire déterminée d’après la valeur locative de la ou des résidences qu’elle possède sur le territoire de cet État.

Situation avant le 1er janvier 2013

Une lecture stricte de la Convention de double imposition signée entre la France et la Suisse laisserait à penser que les contribuables imposés au forfait dans l’un ou l’autre État ne se verraient pas exemptés de payer des impôts dans l’autre. Toutefois, une tolérance avait été accordée par les autorités françaises depuis 1972, ce qui permettait à ses ressortissants d’échapper à la double imposition.

C’est ainsi que quelques 2’000 ressortissants français résidaient sur le territoire suisse, y étaient imposés au forfait tout en n’y exerçant aucune activité lucrative. En effet, la très grande majorité de leurs revenus étaient générés en France, où ils avaient leurs affaires. On peut citer à titre d’exemple la famille Mulliez (Auchan, Flunch, Decathlon), la famille Wertheimer (Chanel), Patrick Drahi, le nouveau propriétaire de l’opérateur SFR ou Johnny Hallyday (qui a d’ailleurs quitté la Suisse au 1er janvier 2013).

Toutefois, ils ne payaient pas, ou extrêmement peu, d’impôts en France.

Mais la France a mis fin à cette tolérance via un texte publié au Bulletin officiel des finances publiques en date du 26 décembre 2012 avec effet au 1er janvier 2013. Cette décision n’était pas dirigée contre la Suisse, mais fondée uniquement sur des considérations fiscales et économiques.

Situation depuis le 1er janvier 2013

Depuis cette date, les ressortissants français imposés au forfait en Suisse pourraient également se voir imposer en France selon les critères de détermination du domicile fiscal prévus en droit interne français.

Ainsi, un ressortissant français résident en Suisse mais ayant conservé des intérêts personnels ou économiques significatifs en France a de fortes chances d’être considéré comme disposant également d’une résidence fiscale en France.

Autre conséquence de cette décision: les résidents fiscaux suisses disposant de résidences en France, telles que des résidences secondaires, sont désormais soumis à l’impôt sur le revenu en France à hauteur de trois fois la valeur locative annuelle desdites résidences (art. 164 C du Code général de impôts français).

Par ailleurs, les résidents fiscaux suisses percevant des dividendes de source française ou réalisant des plus-values lors de la vente de participations substantielles (supérieures à 25% ) ne sont désormais plus éligibles aux réductions ou exonérations de retenue à la source prévues par la Convention.

Il ne reste donc plus qu’à prendre acte de la volonté des politiques français de déconstruire les relations fiscales entre la France et la Suisse. Dès le 1er janvier 2015, c’est la Convention de double imposition relative aux droits de succession conclue entre la France et la Suisse qui ne s’appliquera plus, celle-ci ayant également été résiliée unilatéralement par la France en juin dernier!

Les contribuables résidents dans l’un et possédant des intérêts personnels ou économiques dans l’autre pays seraient bien avisés de prendre conseil auprès d’un spécialiste afin de déterminer dans quelle mesure ils seront soumis à taxation en France, en Suisse ou dans les deux pays à la fois.

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