Grèves et protestations : résultats en Europe

Dernièrement, les mouvements protestataires se sont multipliés. La crise énergétique, la diminution du pouvoir d’achat ou de nouvelles réformes qui font débat sont au cœur des revendications.

Les mouvements de protestations semblent être une tradition française. Au Royaume-Uni, c’est moins fréquent mais quand ils surviennent, les mouvements sont durs. Ne croyez pas que la Suisse soit exempte de coups de chauds sociaux. En cette année d’élections et d’inflation la situation sociale se tend aussi ici.

Aborder les grèves et mouvements de protestation du Royaume-Uni, de la France et de la Suisse ainsi que leurs spécificités est particulièrement d’actualité.

Sommaire :

 

La situation au Royaume-Uni

La vie de plus en plus chère et les salaires qui stagnent suscitent des grèves et des manifestations au Royaume Uni. Les services publics manifestent leur colère par la grève dans l’éducation, les transports.

Le secteur médical en particulier souffre d’un engorgement important, d’un manque de personnel et de places dans les hôpitaux. Le moral des soignants est au plus bas.

Que l’origine de cette situation soit le Brexit ou l’insularité qui fait souffrir l’économie quand le prix du transport augmente, la guerre en Ukraine n’a pas arrangé la situation. La crise énergétique a produit une explosion des factures d’électricité.

En plus des grèves sectorielles, le mouvement « don’t pay UK » incite les citoyens à ne pas payer leurs factures d’électricité. Ayant déjà réuni plus de deux millions de signataires, les organisateurs du mouvement prennent pour référence l’annulation de la “Poll-Tax”, taxe instaurée sous Margaret Thatcher et réformée suite à une action similaire.

 

La situation en France

En France, fin 2022, dans un contexte d’élections professionnelles importantes pour le financement des syndicats, les escarmouches étaient nombreuses. On peut notamment penser au blocage des dépôts d’essence fin 2022. Elles ont même débordé les consignes syndicales avec la grève des contrôleurs SNCF pour Noël 2022.

Début 2023, c’est une protestation généralisée contre la réforme des retraites du gouvernement d’Elisabeth Borne qui mobilise de nombreux secteurs : transports, éducation, médical.

L’heure ne semble pas à l’accalmie et à la concertation. L’heure est à la surenchère avec des maires d’opposition qui ferment les services administratifs de leurs mairies les jours de manifestation.

Des syndicalistes proposent aussi des coupures de courant ciblées contre les millionnaires et les élus favorables à la réforme.

 

Et la Suisse dans tout ça ?

Tout d’abord, précisons que le front social n’a pas toujours été calme en Suisse. Le 9 novembre 1932 à Genève Plainpalais, des soldats conscrits ont tiré sur des contre-manifestants de gauche : 13 morts, 65 blessés.

Le climat social helvète n’est plus à la violence. Loin des mobilisations massives des pays voisins, la Suisse Romande traverse néanmoins aussi une période tourmentée. À Genève, la grève des TPG du 12 et 13 octobre 2022 et celle du Léman Express ont grandement perturbé la circulation.

Au centre des discussions, des sujets similaires à ceux des autres pays. Les employés des Transports Publics de Genève (TPG) réclamaient une indexation pleine et entière de leur salaire pour compenser l’inflation.

Du côté du Léman Express, les employés français grévistes réclamaient une prime de 300 euros pour faire face à l’augmentation du coût de la vie en région frontalière. En janvier 2023 des fonctionnaires Lausannois manifestent à répétition pour une pleine indexation de leurs salaires sur l’inflation.

Avec les remontées des taux d’intérêts et les politiques monétaires plus prudentes des banques centrales, l’inflation ralentit fortement. Elle ne devrait donc pas alimenter une généralisation des mouvements de protestation.

Indépendants des cycles économiques, les mouvements de protestation “sociétaux” restent récurrents. Les inégalités de salaire entre hommes et femmes sont l’objet d’une nouvelle grève des femmes prévue par les mouvements féministes en juin 2023. La série des grèves pour le climat devrait aussi reprendre.

 

Quels résultats ?

Les résultats de ces mouvements sociaux varient fortement

En Angleterre, le gouvernement maintient une position ferme face aux revendications. Des entreprises privées ont néanmoins fait des concessions. Début février 2023, le secteur public, fortement mobilisé, n’a pas obtenu de réponse.

Au contraire, une loi pour limiter le droit de grève dans les secteurs essentiels au fonctionnement du pays est à l’ordre du jour.

En France, fin 2022, la sortie des entrepôts de carburants et la maintenance des réacteurs nucléaires ont été débloqués en contrepartie d’augmentations salariales. Après cinq semaines de grève, les employés du Léman Express, eux, n’ont rien obtenu de la part de la SNCF. Leur analyse de leur rapport de force semble avoir été erronée.

Pour la retraite, les concessions ont déjà commencé. Il est d’ailleurs étonnant que le relèvement du plancher des retraites ait été obtenu sous la pression de la droite (LR).

En Suisse, à Genève, l’indexation des salaires demandée par les employés des TPG leur a été accordée dès le 2ème jour de grève. Les fonctionnaires de Genève et de Lausanne ont obtenu des augmentations mais des fonctionnaires de Lausanne poursuivent leur mouvement pour obtenir une indexation pleine et entière de leur salaire par rapport à l’inflation.

 

La réussite conditionnée par la situation politique…

Ce rapide tour de ces trois pays montre que la réussite des mouvements de protestation dépend davantage de la situation politique nationale que de la situation économique des protestataires.

À Londres, malgré les difficultés rencontrées par les protestataires, le camp opposé garde la main. Des compagnies d’électricité commencent à installer des compteurs prépayés qui coupent l’électricité lorsque le montant prépayé est dépassé.

Les communautés s’organisent : en l’absence d’aides supplémentaires pour les plus pauvres, des salles communautaires chauffées “Warm Places” sont proposées. Nul doute que les difficultés financières seront à l’ordre du jour des prochaines élections de 2024.

Entretemps, les conservateurs comptent rester fermes. Ils ne veulent pas perdre leur base électorale soucieuse de la deuxième promesse de Rishi Sunak : “faire maigrir la dette nationale”.

En France, les fers de lance du mouvement de la fin 2022 n’ont pas été ceux avec les salaires les plus faibles. Les fiches de paie des employés de Total Energies et d’EDF ont été publiées. Elles étaient conséquentes. C’est leur pouvoir de perturbation à un moment politiquement critique qui leur a permis d’obtenir satisfaction.
 

et non par la situation des protestataires

En Suisse, le fer de lance des protestataires sont les fonctionnaires romands. C’est un paradoxe. En effet, ils ont la réputation d’être mieux payés que les employés du privé.

Dans le canton de Genève, ils bénéficient d’une caisse de pension très favorable. Des mauvaises langues ont même fait circuler l’information selon laquelle les chauffeurs de bus des TPG seraient les mieux payés au monde.

Le moment pour monter au créneau a été particulièrement bien choisi par les fonctionnaires genevois. L’ensemble des fonctionnaires ont bénéficié de la sympathie pour le personnel soignant et parler d’inflation au plus haut de son augmentation alors qu’elle s’est bien réduite les mois suivants était une bonne stratégie. Ils ont également pu profiter de l’embellie passagère des finances du canton.

Un bon “timing politique” semble donc être le point clé pour qu’une revendication sociale réussisse.

Notre Dossier : Suisse et Europe

About the author

Étudiante en science politique à l'université de Genève, Léa vit en France et s'intéresse particulièrement aux problématiques frontalières. Elle souhaiterait par la suite se spécialiser dans la communication et les médias.

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