Comment la Suisse s’est réinventée en eldorado des cryptomonnaies ?

La Suisse s’engage massivement depuis quelques années sur le marché des cryptomonnaies. Ajustement des réglementations, réévaluation de la législation bancaire et des formalités administratives, apparition d’une « Crypto Valley », et plus récemment d’une « Cryptopolis » au Tessin… La Confédération est-elle en passe de devenir la prochaine terre d’accueil des monnaies virtuelles ?

Quelles sont les opportunités professionnelles de la technologie Blockchain pour l’informaticien frontalier ?

Sommaire :

Zoug, la Crypto Valley suisse

Zoug est actuellement le leader des Initial Coin Offering (ICO), devant Dubaï et Singapour. Une renommée que le canton doit à deux faits majeurs dans le développement des cryptomonnaies.

Zoug est le berceau de l’Éther, l’une des monnaies virtuelles préférées dans le monde. C’est également ici que Ethereum a utilisé pour la première fois au niveau mondial une ICO. Depuis, le rythme des ICO ne cesse d’augmenter. Selon les estimations, on en compte désormais de 5 à 10 chaque jour. Et ce sont dans les fondations installées à Zoug que les plus importantes levées de fonds mondiales ont été effectuées : Tezos a récolté 232 millions de dollars en juillet 2017, et Bancor, plus de 153 millions de dollars en moins de 3 heures en juin dernier.

Mais ce ne sont pas les seules raisons qui ont fait de Zoug le leader.

L’écosystème de Zoug

En effet, le canton suisse présente des taux d’imposition très bas (cinquième plus bas parmi les 26 cantons de Suisse), des perspectives favorables à l’économie et à la croissance, ainsi qu’un environnement réglementaire qui permet la création de fondations susceptibles d’être désignées comme bénéficiaires des contributions de l’ICO. Le fait que la Suisse soit classée première au monde en termes de compétitivité et de productivité et première au monde pour ce qui est d’attirer et de retenir les talents constitue également un avantage.

Cette combinaison a donné naissance à tout un écosystème de soutien comme MME, cabinet d’avocats spécialisé dans les ICO, et Bitcoin Suisse, qui a facilité la création de plus de 635 millions de dollars d’ICO. Le gouvernement local permet même aux citoyens de payer pour certains services administratifs avec des Bitcoins, même si pour l’instant seules 12 personnes l’ont fait…

La Crypto Valley Association œuvre beaucoup pour faciliter l’installation des entreprises à Zoug et promouvoir ce secteur financier émergent en apportant un peu plus de souplesse à sa réglementation.

Le guide pratique de la FINMA

Autre élément d’attrait pour les start-up Blockchain, en Suisse, des sociétés de cryptomonnaie n’ont pas besoin de licence particulière ou d’autorisation de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). En février 2018, la FINMA a publié un guide pratique qui clarifie la méthodologie adoptée pour les demandes d’assujettissements. Elle distingue les jetons de paiement, les jetons qui donnent accès à un service numérique, des jetons d’investissement. L’émission de chacun de ces types de jetons sera soumises à des obligations différentes.

Chiasso, première cryptopolis au monde

L’intérêt pour les cryptomonnaies a également atteint le Tessin. Depuis le 1er janvier, les habitants de Chiasso, située sur la frontière italienne, ont obtenu l’autorisation du canton de payer leurs impôts en bitcoin, si le montant ne dépasse pas 250 francs.

Chiasso espère ainsi encourager les entrepreneurs à investir et à s’installer dans la municipalité, et d’étendre l’utilisation du Bitcoin et de l’Éther à d’autres domaines. De nombreux entrepreneurs ont déjà choisi cette ville pour implanter leurs entreprises, à l’instar de Digital Identity ou Andrea Benetton. Par ailleurs, des personnalités importantes se sont engagées dans ce projet de cryptopolis, et au cours des derniers mois, une dizaine de nouvelles start-up Blockchain se sont installées à Chiasso, aux côtés d’Eidoo et de CryptoLab. La municipalité accueillera également régulièrement des rencontres dédiées à ce thème, auxquelles participeront des représentants internationaux.

La ville prépare déjà le terrain à la révolution enclenchée par les monnaies virtuelles : désormais, dès l’école secondaire, les enfants reçoivent des cours approfondis sur les blockchains…

Zürich tient son rang

À côté des deux moteurs que sont Zoug et Chiasso, il existe de nombreuses initiatives en Suisse autour des monnaies virtuelles. Pour rappel, le premier distributeur de Bitcoins, qui permet d’acheter et de vendre les pièces virtuelles, a été installé à Zürich le 20 janvier 2014. La même année, l’université de Zürich lançait un test grandeur nature en proposant à ses étudiants de payer leurs repas en Bitcoins. Depuis, l’essor des cryptomonnaies a permis de multiplier les expériences.

Dès 2015, la société Xapo déménageait son siège de Palo Alto (Californie) à Zürich. Spécialisée dans le stockage off-line des Bitcoins, Xapo a expliqué que cette délocalisation lui permettait de gagner en crédibilité auprès de ses clients et de « profiter de l’expérience suisse pour la gestion, sécurité et confidentialité des fonds. »

Swissquote sur Vaud

Plus récemment, en 2017, les banques Falcon (Zürich) et Swissquote (Gland) se sont elles aussi lancées dans la course aux cryptomonnaies en proposant de nouvelles offres : gestion d’actifs, partenariat avec des courtiers, négoces de cryptomonnaies… Et le bilan semble concluant. Chez Swissquote, les revenus semblent poussés par l’effervescence de son positionnement sur les cryptomonnaies.  Quand les investisseurs en bitcoin « core », en ethereum, et ripple réalisent un gain, ils se tournent souvent vers d’autres supports proposés par la Banque. Le positionnement sur les cryptomonnaies serait le déclencheur d’entrées en relations profitables. En 2017, le bénéfice net de 45 millions avant impôt de Swisscote est un record.

L’Etat de Genève innove

L’état de Genève a réalisé une première application blockchain. Elle est opérante, il s’agit des attestations du registre du commerce. C’est concret, c’est opérant !

A Genève encore, des professionnels ont jugé utile de créer une association spécifique, la Swiss Blockchain Association, pour favoriser le développement de cette technologie dans l’économie suisse.

Ailleurs

L’engouement pour les monnaies virtuelles est tel que, fin 2018, les six plus grands établissements bancaires au monde lanceront une toute nouvelle cryptomonnaie : l’Utility Settlement Coin (USC).

Aux côtés de la Barclays, la Canadian Imperial Bank of Commerce, HSBC, MUFG et State Street, on retrouve le Crédit Suisse. L’USC, créée en 2016 par la banque suisse UBS et Clearmatics, a pour objectif d’améliorer les échanges financiers, notamment dans le cadre des règlements instantanés et lors de compensation de valeurs mobilières. Il ne sera dès lors plus nécessaire d’attendre des transferts d’argent classique pour effectuer des transactions.

Référentiel centralisé ou décentralisé ?

Au delà du buzz et de l’application de la Blockchain à des domaines très divers, il y a une question qui se pose toujours lorsque l’on évalue une application Blockchain, le référentiel est-il centralisé ou distribué ? On remarquera que des acteurs « installés » auront tendance à privilégier un référentiel centralisé qu’ils pourront maîtriser. Les nouveaux entrants « disruptifs » privilégieront un référentiel décentralisé.

La stabilité politique et juridique de la Suisse et le respect de la sphère privée en fait une localisation de choix pour les référentiels centralisés. De même, l’organisation confédérale de la Suisse la rend légitime pour bâtir une réglementation compatible avec des référentiels partagés.

La Blockchain gagne-t-elle de la fin du secret bancaire ?

Avec les cryptomonnaies, la Suisse semble acquérir de nouvelles compétences financières. Les nombreuses initiatives locales pour le développement de la monnaie virtuelle font du pays un pôle attractif pour les start-up Blockchain du monde entier. Finalement, la diffusion locale de cette technologie apparaît gagner de la fin du secret bancaire.

Les frontaliers qui participeront à la ruée

Lors d’une ruée vers l’or, on dit que ceux qui gagnent à tous les coups sont les juristes et les fabricants de pelles et de pioches. Chez les fabricants de pelles et de pioches il y a beaucoup d’informaticiens de haut niveau et de spécialistes de la sécurité. Sans informaticiens, pas de Blockchain.

La demande d’informaticiens

Un jour de mars 2018, une recherche d’offres d’emploi sur le terme « blockchain » a donné les résultats suivants :

  • En Suisse romande (jobup + monster.ch), 2 offres d’emploi
  • En Suisse alémanique (Zurich, Zoug) (jobs.ch), 77 offres d’emploi
  • et à titre de comparaison à Paris (monster.fr),  30 offres d’emploi

Comme la Suisse ne forme pas assez d’informaticiens, ils viendront d’Allemagne, de France et d’ailleurs. Ils choisiront de s’installer en Suisse ou en zone voisine. Ce seront des nouveaux résidents ou des frontaliers. Mais n’oublions pas qu’il y a un bassin important de frontaliers déjà en poste, installés de l’Alsace à la Haute Savoie et qui, avec un effort de formation, seraient tout à fait aptes à combler ce besoin.

La recherche de spécialistes évolue

Compte tenu du buzz actuel autour de la technologie blockchain, on peut être étonné du faible nombre de demandes. En fait, sur cette activité, les sites classiques d’annonces d’emploi ne semblent plus être les principaux pourvoyeurs de contacts. Sur cette technologie pointue, c’est d’autres canaux de mise en relation qui sont privilégiés.

C’est maintenant plutôt les réseaux sociaux et les plate-formes d’échange professionnel (stackoverflow, gitHub) qui sont utilisés pour faire le lien entre l’offre et la recherche d’emploi.

La recherche d’emploi change, la légitimité technique se construit avant que débute la recherche proprement dite. Cette légitimité est donnée par les autres informaticiens. Elle est scrutée par les recruteurs

Zurich-Zoug une demande mature

La comparaison du nombre d’offres d’emploi entre la Suisse romande, la Suisse alémaniques et Paris témoigne d’un besoin d’informaticiens très important dans la région de Zurich. C’est bien là que beaucoup de choses se passent. En plus des nouveaux canaux de recherche cités précédemment, les spécialistes du secteur dupliquent la recherche avec des annonces Web traditionnelles. C’est un signe de maturité. La Suisse Romande semble avoir encore du chemin à parcourir. Les frontaliers qui parlent allemand ont donc davantage d’opportunités, mais une chose est sûre, quelque soit la région ciblée, l’anglais courant est impératif.

Des opportunités pour le frontalier

Il est clair que le sujet présente de sérieuses opportunités professionnelles pour le frontalier doté de solides bases informatiques ou juridiques.  Vous trouverez ici un lien vers un précédent article le bitcoin quel intérêt pour le frontalier ?

Commentaires

  1. Bravo, bel article. Un très bon état des lieux de ce qui se fait sur Suisse :thumbsup:

  2. Bien mais j’ai un peu de mal a voir l’opportunité pour les « frontaliers »
    Zoug comme Zurich sont quand meme assez loin de la frontiere Francaise
    Donc c’est un peu plus pour ceux qui veulent s’expatrié et du coup payer BEAUCOUP, MAIS ALORS BEAUCOUP moins d’impôt ^^

    La Suisse a compris que les cryptos et la blockchain sont des leviers importants qui permettent de faire naitre des nouvelles entreprises et ainsi créer de l’emploi.

    Alors qu’en france on a des gens comme Lemaire qui font tout le contraire; vouloir taxer/reguler/horrifier les cryptos

    A croire qu’a chaque fois qu’il est ministre c’est d’un domaine qu’il ne maitrise pas :

    https://www.youtube.com/watch?v=E3jF9tpmZ9Y
  3. Merci @alain68 pour la précision, en Suisse alémanique, l’intérêt pour le Blockchain est moins centralisé que l’article pourrait le laisser penser. Aujourd’hui, 5 annonces Blockchain à Bâle, 7 à Berne, 1 à Winterthur.

    Mais effectivement, actuellement, le gros de la demande est situé à Zurich et Zoug. Malgré l’heure de transport, il y a des frontaliers français qui travaillent à Zurich.

    On pourrait donc dire que pour eux le Blockchain est une opportunité professionnelle, mais pas une opportunité de qualité de vie !

  4. Pour comprendre l enjeu, voici un exemple concret:
    Starbucks songe a lancer sa cryptomonnaie.

    Quel interet me direz vous?
    Les consommateurs achetent du starcoin maintenant et le depenseront dans les jours/semaines a venir…

    Et hop! Du cash sur les comptes de starbucks.

    Amazon et Ali Baba ont déjà commence la R&D…

    Imaginez que Peugeot vous vende ses voitures et son entretien en PSAcoin. Et qu il paie ses fournisseurs et salaries en PSAcoin… maitriser le mode de paiement est une facon de rendre captif sa clientele.

  5. Et pendant qu’en Suisse on a tout compris
    en France on a tout le contraire :

    https://www.youtube.com/watch?v=B4CzkFOK4Pc

    le risque de speculation => il compte fermer les bourses du monde entier ou les assurances vies a risque ?!? Clairement non
    Pourtant dans ces deux cas le risque est pareil.
    la difference => pour le bitcoin l’etat ne se sert pas autant qu’il aimerai, alors que sur les deux autres ont a bon nombre de loi

    protéger les investisseur => mais bien sur ! Doit on parler des lois SAPIN1 ou SAPIN2 qui permettent de VIDER les comptes des particulier si jamais la France (gerer par des clowns en economie) n’arrivait plus à payer ses dettes…
    Moi je trouve mon argent PLUS SUR dans les cryptos ou l’etat n’a pas la main mise (et ou il y a des risques du à la volatilité) plutot que d’avoir l’argent sur un compte bancaire ou du jour au lendemain l’etat peut vider le compte

    Faut il rappeler que les comptes du pays vont mal, que rien n’est vraiment fait… et pire lorsqu’il y a un changement de gouvernement on se rend compte que le bilan du précédant est faussé et que la situation est au final encore pire …

    Nos entreprises sont lourdement taxé, beaucoup de monde choisi de s’expatrier ou de travaillé chez des pays voisin… Le taux de chomage ne diminue pas, au contraire et les salaires n’ont jamais été aussi bas…
    Par contre les abus et les exemples de mauvaise gestion sont de plus en plus édifiantes… Rien que le choix de la CMU montre l’amateurisme et surtout l’obstination de ces gens la… au lieu d’arreter les frais on continue quitte a devoir payer une fortune en frais de justice !

    Certains pensent que ce qui s’est passé en grece ne peut pas se passer chez nous… Je pense que ce genre de situation peut tres bien arrivé…
    Et si ca arrive les dispositions SAPIN seront activé…

    financer des activité terroristes, des activitées illicite => Ce monsieur sait il que le bitcoin est a présent majoritairement utilisé par des particuliers qui tentent de profiter de la speculation ?
    Les activités négatives doivent représenter moins de 0.01% des transactions

    Et perso les terroristes/activité illicites se font majoritairement en $ ou en € bien plus anonymes

    De plus il le dit lui meme, il n’a aucune information sur à quoi sert l’argent… pourtant il faut réguler?

    La Suisse elle a su profitée durant des décénies de l’ anonymat des comptes bancaires… La fin de l’anonymat avait un cout tres dur pour elle, la embrasser les crypto lui permet de reprofiter d’un certain anonymat

    Nous avons donc des pays qui ont compris que c’est une opportunité
    certains ne taxent pas les plus values issus des crypto alors qu’en france on a droit a un systeme complexe (BNC, BIC, etc etc) sans parler de l’obligation de declarer les comptes comme un compte bancaire etrangé :neutral_face:

    paperasse administrative, taxes, et envie de se goinfrer encore plus

    tout ca va simplement effrayer les entreprises qui préféreront se lancer avec la crypto en changeant de pays … Et ainsi on a de nouveau loupé un virage technologique qui aurait permis d’améliorer la situation du pays :confused:

  6. Avatar for GB007 GB007 says:

    J’aurais pas dit mieux ! :unamused:

  7. Avatar for Fafa Fafa says:

    Bravo a eux, ils veulent tous réinventer le bon d’achat ! :rofl:

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