L’Industrie suisse dans tous ses états !

Dessin technique

La  branche d’activité des Machines, des Equipements électriques et des Métaux (Industrie MEM) pèse lourd en terme d’emploi en Suisse (317 600 personnes) et chez les Frontaliers (30 300 permis G)

Quand on pense à l’activité économique de la Suisse, on ne l’associe pas spontanément aux métiers liés aux «Biens d’équipements industriels» mais plutôt à ceux de l’Horlogerie et de la Banque.

Pourtant, il s’agit du deuxième secteur à l’exportation, très loin devant l’Horlogerie !

Avec l’abandon du cours plancher début 2015, les marges des entreprises se sont réduites entraînant suppression de postes et baisse des investissements.

Un panorama sectoriel s’impose pour le Frontalier désireux de comprendre, s’informer et se positionner dans un secteur en mutation et sous tension.

L’industrie MEM en bref

L’Industrie MEM désigne le secteur des Machines, Equipements électriques et du travail du Métal, qu’on peut aussi apparenter aux «Bien d’équipements industriels»

Dans la suite de l’article,  les termes secteurs et branches d’activité sont employés indifféremment , bien que le dernier terme soit plus approprié. Le champ des métiers que recouvrent les MEM est vaste ! (de l’électrotechnique à la chaudronnerie)

Une industrie très masculine…

La branche d’activité reste très masculine : plus de 82% des personnels sont des hommes !

Elle pèse pour 7% du PIB brut de la Suisse et emploie 317 600 personnes à fin 2016, soit 8% de l’emploi total en Suisse et 50% de l’industrie dans son ensemble.

 

 

Comme en Allemagne, les PME concentrent 90% des effectifs.

 

… et fortement exportatrice

Générant 7% de la valeur ajoutée, les exportations, avec un volume de 63 milliards de francs, font de l’industrie MEM le deuxième exportateur du pays (30% des exportations) derrière la Chimie/Pharmacie (42% des exportations) mais devant l’Horlogerie (11% des exportations)

Répartition sectorielle des exportations suisses à fin 2016 (source : AFD)
Répartition sectorielle des exportations suisses à fin 2016 (source : AFD)

Dans ce contexte, 60% des exportations sont à destination des pays de l’Union Européenne, devant l’Asie (20%) et l’Amérique du Nord (15%)

Les pays limitrophes absorbent même 40% des exportations soulignant le fort degré d’intégration du pays dans l’Espace Economique Européen.

D’où provient ce succès à l’international notamment en Europe ?

De l’importance des accords bilatéraux pour la Suisse

En supprimant les entraves techniques au commerce, les accords bilatéraux ont créé une dynamique d’activité en Suisse.

Ces accords bilatéraux intègrent la pays dans l’Espace Economique Européen et soulignent le fait que la Suisse est perçue comme partenaire économique fiable.

C’est pourquoi la possible remise en cause des accords de libre circulation des personnes, qui inclut par essence le Frontalier, met vent debout des décideurs économiques, en particulier ceux de l’industrie.

Ce débat, récurrent, agite nos démocraties depuis bientôt 10 ans. Comme le démontre la dernière élection présidentielle française, il voit s’affronter deux blocs : les tenants de l’ouverture internationale et les autres. Autrement dit, les gagnants et les perdants de la mondialisation.

Un secteur pourvoyeur d’emploi pour le Frontalier

D’après la STAF (Statistique des Frontaliers), le nombre de travailleurs Frontaliers s’élève à environ 310 000, toutes nationalités confondues.

10% de ceux-ci travaillent dans le secteur des MEMs, ce taux est légèrement supérieur à celui des travailleurs suisses officiant dans ce secteur (8%)

Ce décalage s’explique sans doute par le niveau d’expertise exigé par certains postes, notamment dans l’ingénierie. Ce type de profil peut s’avérer parfois difficile à trouver au niveau local.

Evolution du nombre de Frontaliers travaillant dans les secteur des MEMs (source OFS)
Evolution du nombre de Frontaliers travaillant dans les secteur des MEMs (source OFS)

Après les suppressions de poste des années 2008 et 2009, le secteur s’est à nouveau retrouvé porteur jusqu’au début de l’année 2015. Depuis, le nombre de Frontaliers stagne voire reflue légèrement.

Comment expliquer un tel phénomène ?

Une décision unilatérale non sans conséquences

Les décisions macro-économiques peuvent avoir des conséquences bien visibles sur l’économie «réelle»

Ainsi de la décision de la Banque nationale suisse (BNS) de mettre fin le jeudi 15 janvier 2015 au taux de 1,20 Franc suisse pour 1 Euro fixé le 6 septembre 2011.

Le résultat ne s’est pas fait attendre avec une très forte appréciation du franc suisse qui a pris de court l’ensemble des acteurs économiques suisses.

Pour rester compétitifs et continuer à vendre leur produits en Euro ou en Dollar US, il leur a fallu baisser les prix en franc suisse entraînant une baisse des marges.

Evolution Franc suisse contre Euro sur 10 ans
Evolution Franc suisse contre Euro sur 10 ans

La courbe qui baisse, c’est un franc suisse qui se renforce vis à vis de l’Euro.

Un même prix en franc suisse sera plus cher en Euro.

Des marges sous pression…

Deux ans après l’abandon de ce cours plancher, beaucoup d’entreprises du secteur sont exsangues. Leurs marges restent encore sous pression.

Fait aggravant, la très grande majorité des entreprises sont des PME (à 90%) qui ne disposaient pas d’une trésorerie suffisante pour absorber le choc.

En 2016, on estime qu’environ 25% des entreprises ont affiché une perte au niveau de la marge opérationnelle (c’est la marge avant frais financiers et impôts)

D’après l’organisation professionnelle Swissmem qui représente les intérêt de 1 000 entreprises de la branche, les conséquences sont multiples. En 2016 :

  • 33% des entreprises ont supprimé des postes
  • 25% ont réduit leurs investissements
  • 20% ont délocalisé à l’étranger

… mais des capacités de production quasi intactes

L’indicateur phare pour mesurer la bonne santé d’une industrie est le Taux d’Utilisation des Capacités. Pour résumer, il indique le taux d’emploi des machines dans les usines et ateliers de fabrication.

En 2016, le Taux Moyen d’Utilisation des capacités s’élève à 86% contre 89% fin 2014. Un repli de 3%. On est loin du marasme de 2009 où l’indicateur plongeait vers les 75%.

Engine manufactoring

La demande n’a donc que très peu souffert de la réévaluation du franc suisse. Les capacités de production sont quasi intactes. Il s’agit donc d’un choc de marge : les entreprises vendent dans des devises (Dollar américain, Euro…) ayant perdu leur éclat face aux Francs suisses. Au final, cela fait moins de Francs suisses dans leurs caisses.

 

Dans ces conditions, il est étonnant que l’emploi Frontalier n’ait pas davantage souffert.

Certains diront que les Frontaliers ont des salaires plus bas que les résidents et, à choisir, l’entrepreneur suisse choisira de conserver le Frontalier au détriment de la main d’oeuvre locale. De quoi alimenter le débat sur la préférence nationale.

L’innovation : clé du redressement ?

En comparaison internationale, la Suisse est déjà considérée comme le pays le plus innovant en Europe d’après l’European Innovation Scoreboard (EIS) qui analyse chaque année les performances des Etats.

La Pharmacie et la Chimie jouent sans aucun doute les rôles moteurs.

 

A titre de comparaison, la France se classe, comme souvent, dans la moyenne européenne, à la 14ième position.

Il existe probablement d’importantes pistes d’amélioration au sein des PMEs qui constituent l’épine dorsale de l’industrie MEM : à contrario de l’Allemagne, une très faible proportion des entreprises suisses de petite taille développent leurs produits avec des écoles ou instituts de recherche ou en partenariat avec d’autres entreprises.

Quoiqu’il en soit, dans un pays où les charges fixes sont élevées et le marché du travail largement flexibilisé, la clé des succès à venir c’est l’innovation.

Nos conclusions

Les Frontaliers sont (logiquement) surreprésentés au sein de l’industrie MEM.

Fortement exportatrice, l’évolution de la branche dépend fortement des cours des devises et de l’évolution conjoncturelle des pays où sont ses marchés les plus importants.

A cet égard, la décision de la BNS d’abandonner le taux plancher a pesé sur les marges. Suite à ce choc, les entreprises n’ont pas encore pleinement adapté leur structure de coût. Des délocalisations semblent probables. Dans quelle proportion ? L’avenir le dira.

L’innovation est, et restera, le moteur de l’appareil productif suisse. Dans ce contexte, certains profils de frontaliers vont continuer à séduire les employeurs. On pense à l’ingénierie, les postes liés à la gestion de projet

Et vous, si vous travaillez au sein de cette industrie, avez-vous ressenti comme un ralentissement depuis 2015 ? Quelle est votre vision sur son évolution à court/moyen terme ?

Commentaires

  1. Excellent article rédigé clairement par qq qui maîtrise son sujet. Bravo.

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