La magie de Neuchâtel : salaire minimum et baisse des prix!

20 francs suisses de l’heure. Après 3 ans de guérilla juridique et deux autres initiatives fédérales, Neuchâtel devient le premier canton suisse à introduire un salaire minimum. Il sera de 3’500 francs mensuels.

Par un hasard du calendrier, avec l’arrivée du 1er magasin Décathlon en Suisse, les Neuchâtelois ont bénéficié ce même mois d’une conjonction très favorable : mise en place le salaire minimum et réduction des prix de vente au détail.
L’alignement de planètes d’août 2017 à Neuchâtel n’est pas fréquent. La mutation économique actuelle a plutôt tendance à réduire la protection sociale. Il est dans l’intérêt du frontalier de suivre ces évolutions économiques et sociales et de saluer lorsqu’un hasard du calendrier les fait évoluer toutes deux dans le bon sens.

Quel salaire pour quel minimum ?

Depuis des années, la Suisse et les cantons débattent des salaires.

En 2011, Neuchâtel vote, à 54,6% l’instauration d’un salaire minimum cantonal.

En 2014, comme tous les cantons suisses, Neuchâtel refuse à 68% l’initiative fédérale pour un salaire minimum de 4’000 francs par mois.

En 2015, la mise en oeuvre de la Libre Circulation des Personnes (LCP) s’accompagne de contrôles pour éviter le “dumping salarial” en provenance de l’Europe et d’une salve de signature de conventions collectives avec des salaires minimaux par branche (la convention collective CCT du commerce de détail fixe une rémunération minimale de 3’700 francs par mois sur 13 mois pour trois ans d’expérience ou un CFC en poche).

En 2016, l’initiative fédérale pour un revenu de base inconditionnel de 2’500 francs mensuels par adulte est refusée.

En 2017, Neuchâtel applique le résultat de la votation de 2011 sur le salaire minimum. Il reste cependant libre d’aménager des dérogations pour certains secteurs comme l’agriculture ou la viticulture. Des initiatives similaires sont en cours dans les cantons du Jura et du Tessin, mais la procédure n’est pas encore terminée.

On peut retenir que les initiatives de 2014 et 2016 semblaient avoir une coloration “dirigiste”, elles ont été refusées. Les démarches de 2011 et 2015 qui avaient une coloration sociale et paritaire (l’Etat, le patronat et les syndicats) ont été acceptées.

Un effet social ?

Le salaire minimum neuchâtelois a été calculé sur la base des besoins vitaux (nourriture, vêtements, loyers, cotisations d’assurance maladie,charges sociales). Il profitera à 4,7% des travailleurs neuchâtelois, soit 2’700 personnes dont deux tiers ont un temps partiel. Les principaux secteurs concernés sont : l’hôtellerie, les services de nettoyage et le commerce de détail.

Le coût annuel pour les entreprises serait de 9 millions de francs, soit 0,21% de la masse salariale brute du secteur privé neuchâtelois en 2010. C’est peu.

Cette augmentation des plus bas salaires devrait permettre d’économiser 2 millions de francs sur les coûts d’aide sociale du canton sur un budget annuel cantonal 2017 de 123 millions. C’est un petit mieux pour les plus bas revenus et pour les finances du canton.

Pour les finances des frontaliers ?

D’après la STAF, début 2017, le canton de Neuchâtel emploie 11’900 frontaliers, principalement français, sur 318’000 pour toute la Suisse. Le salaire minimum touchera peu le porte-monnaie du frontalier car il travaille généralement à un taux horaire supérieur à 20 francs suisses.

Mais on ne peut éviter de faire la comparaison avec le SMIC horaire en France qui est à 9,76 euros pour 35h (environ 1’561 euros mensuels). Cette différence est à nuancer (heures de travail, couverture maladie …) mais reste suffisante pour attirer des contrats de courte durée au salaire mal protégé. Pour ces frontaliers, le salaire minimum de Neuchâtel est bénéfique.

Pour la protection des frontaliers ?

Le salaire minimum va ajouter une modalité de contrôle. Des experts syndicaux s’accordent sur le bon fonctionnement des contrôles des salaires minimaux au niveau des conventions collectives de branche, tout comme les contrôles contre le dumping salarial à la délivrance des permis de travail pour poste fixe ou de durée déterminée.

Mais ils ont identifié que les permis de 90 jours suivaient un processus administratif sans contrôle de salaire. Le salaire minimum viendra donc poser un filet de protection pour les travailleurs détachés européens sous payés.

Pour l’actualité des frontaliers ?

A l’installation de Décathlon, la rumeur a commencé par communiquer sur les bons prix, puis elle a trouvé une explication : les employés devaient être des frontaliers mal payés. Jusque là rien de bien nouveau. Quand des prix bas sont proposés, la suspicion est grande de “dumping salarial” avec l’arrivée de cohortes de vendeurs frontaliers.

La Direction de Décathlon a précisé : tous les employés sont résidents en Suisse et sont rémunérés au dessus des minima de la convention collective. Si Décathlon, avec des salaires suisses et des charges suisses propose des prix juste supérieurs de 10 à 15% ä ceux en France, c’est que des changements vont arriver dans le commerce de détail suisse et que les frontaliers du secteur doivent s’y préparer.
Ce mois d’août, la chaîne Manor a annoncé la suppression de 200 postes à son siège de Bâle. En mai Migros supprime 80 postes centraux chez Globus, en avril Yendi ferme ses magasins avec perte de 420 postes.

Un changement en cours ?

L’arrivée de Décathlon, champion qui s’est adapté aux délocalisations et au Commerce par internet, illustre qu’il est temps pour le commerce de détail suisse de s’ajuster, pas seulement en rémunérant mieux les trop bas salaires mais en vendant aussi moins cher. Espérons que cela aura un double effet positif pour le résident suisse au petit revenu qui pourra plus globalement bénéficier d’un prix de détail plus bas et d’un coup de pouce sur le salaire.

Il n’y a pas que le commerce de détail suisse qui devra se repenser. D’autres secteurs devront aller plus loin dans leur transformation déjà engagée. Swissair s’interroge sur l’opportunité à supprimer en 2018 ses en-cas déjeuners gratuits au départ de Genève. Il est temps. Son grand concurrent EasyJet, a déjà deux coups d’avance.

Après avoir supprimé tout ce qui est gratuit, EasyJet propose maintenant des mets de qualité (sandwichs chauds, vrais capuccinos onctueux …) à un prix qui est loin d’être modique et qui, au vu de la demande, semble convenir aux voyageurs. C’est la preuve qu’au lieu de vendre cher un paquet global de “qualité Suisse”, il peut être plus rentable de vendre un produit de base au prix “discount” avec des options très chères.

La nouvelle économie crée des sources de valeur qu’il va s’agir de partager. Pour que ce soit un succès, le consommateur doit s’y retrouver, c’est plus rarement le cas pour l’employé.

Quels effets ?

Le frontalier expérimente tous les jours les réalités économiques suisses et françaises, cela l’habitue à en déceler les opportunités et les risques.

En Europe, les mutations économiques avec les délocalisations de la production, “l’Uberisation” des services et l’eCommerce augmente le nombre de travailleurs pauvres. Le travail à plein temps ne permet pas toujours d’assurer une vie décente. On assiste à une dégradation des emplois et à une flexibilité qui se conjugue avec précarité. Quand le statut d’entrepreneur indépendant est préféré à celui de salarié, le niveau de protection est minimal.

La transformation des emplois devient un défi pour le système social de l’ensemble des pays européens. En cas de coup dur, pour le frontalier, ce sera le système français qui sera sollicité. Mais mieux vaut suivre les changements de l’économie et du système social suisse car, en y contribuant, le frontalier peut bénéficier de certaines prestations. A lui de devenir incollable sur les allocations familiales en suisse, l’assurance vieillesse, les aides à la formation etc. Pour cela, le blog du frontalier et le forum des frontaliers sont des sources indispensables d’information aux frontaliers.

Commentaires

  1. les idées débiles Françaises ( salaire minimum ) produiront PARTOUT les mêmes effets…

    • chomage des plus faibles

    -ecrasement des salaires vers ce minimum, tant pis pour les plus performants, c’est le nivellement vers le bas…

    Mais les idélogues Français voudront JAMAIS le reconnaitre…

    Alors ils inventeront les emplois aidés, donc une aide de l’Etat pour embaucher au salaire minimum des personnes que le Marché ne peut pas rémunérer au salaire minimum, Histoire de ne pas perdre la face…

    La contamination de la Suisse par les idées communistes Françaises qui ont toujours foiré se fait d’abord par les zones linguistiques Françaises, pour leur plus grand malheur…

  2. La force du système suisse c’est le « système de la concordance », éviter les excès dans un sens ou dans un autre.

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