Le Brexit vu par les frontaliers

BrexitLes frontaliers sont nombreux à se poser des questions sur les conséquences du Brexit

Finalement le BREXIT l’emporte à 51,9 %, déjouant tous les sondages et autres pronostics des bookmakers.

Processus irréversible, Londres va activer l’article 50 du traité de Lisbonne de l’Union Européenne permettant à un Etat membre de demander le divorce. Les Européens et le Royaume-Uni auront deux ans pour se mettre d’accord sur les modalités de sortie. Ainsi s’achèvera 43 ans de vie commune pour un pays qui représente 13% de la population de l’Union Européenne.

Vous êtes nombreux à réagir sur le forum des frontaliers et exprimer vos appréhensions concernant l’impact de l’événement sur l’évolution du franc suisse et ses conséquences sur l’emploi helvète.

Le contexte : un vote révélateur des fractures d’un pays

Le vote a mis en évidence les fractures sociales, générationnelles et géographiques du Royaume-Uni.

Ainsi les jeunes, les grands centres urbains, l’Ecosse et l’Irlande du Nord ont voté massivement en faveur du maintien.

Les campagnes, les plus de 50 ans, les classes populaires ont voté massivement contre. Ils ne se reconnaissant plus dans le projet européen : les observateurs parlent ici des laissés pour compte de la globalisation. Pour être clair, il s’agit de ceux qui subissent de plein fouet la concurrence de pays aux standards sociaux inférieurs : ils ne se sentent plus protégés par l’UE et ont l’impression  que le personnel politique ne les comprend pas.

L’urgence pour l’Europe : éviter l’effet domino

On peut craindre que le vote déchaîne des forces centrifuges au sein de l’Union Européenne. On pense immédiatement aux pays nordiques (Danemark, Hollande…) Et il faut bien le connaître, le Brexit crée un précédent et réduit à néant les efforts déployés depuis 2008 pour maintenir la cohésion de l’Union Européenne : Portugal, Espagne, Italie et Grèce ont été massivement aidés lors du déclenchement des crises souveraines en 2010. Crise qui s’est matérialisée par la montée en flèche des taux auxquels les Etats empruntent rendant extrêmement difficile le refinancement du stock de dettes.

On peut aussi craindre le renforcement des tentations régionalistes. Pour le Royaume-Uni, le mal est fait : l’Ecosse, l’Irlande du Nord rêvent d’Indépendance et pourrait profiter du Brexit pour l’obtenir par référendum. Là aussi, un précédent serait alors créer qui pourrait inspirer d’autres régions européennes à franchir le Rubicon (la Catalogne pour l’Espagne, la Flandre pour la Belgique…)

Quels impacts pour la Suisse ?

Il convient d’être prudent quant aux possibles conséquences du Brexit pour la Suisse. Les paramètres sont trop nombreux, les premiers effets ne se sont pas encore stabilisés au niveau financier.

Néanmoins, on voit se dessiner deux grandes catégories d’impacts.

Le premier est politique et porte sur les négociations pour appliquer l’initiative sur l’immigration de masse. Deux positions contradictoires s’expriment.

Pour les pessimistes, Bruxelles aura d’autres priorités que les futures négociations sur une adaptation de la libre circulation des personnes : il sera très difficile de trouver une solution à l’application de l’initiative «Contre l’immigration de masse» d’ici à février 2017.

Pour les optimistes, Bruxelles devra trouver un cadre à ses futures relations avec les britanniques et le modèle bilatéral des relations UE-CH actuelles pourrait servir de référence. Dans ce cas, il y aurait une fenêtre d’opportunité pour les négociateurs suisses. Ils doivent prouver que “l’outil bilatéral” est opérationnel. Encore faudrait-il qu’ils ne soient pas timorés. Qu’ils portent haut leur vision des rapports de la Suisse avec l’Europe. Qu’ils affirment cette vision dans le débat intérieur Suisse et dans l’arène internationale. Qu’ils se décident, maintenant, à détailler les modalités de l’immigration en Suisse.

Le deuxième impact est économique. La Suisse est un partenaire économique important du Royaume-Uni et leurs économies sont étroitement imbriquées.
D’après le département fédéral des affaires étrangères suisses, en 2015, le volume des exportations suisses à destination du Royaume-Uni a atteint 13,1 milliards de CHF tandis que les importations se chiffraient à 31 milliards de CHF. Sans les importations de métaux précieux, ce chiffre n’aurait été que de 6,6 milliards de francs ! En termes de volume des échanges commerciaux, le Royaume-Uni occupe ainsi la troisième place parmi les marchés les plus importants pour la Suisse.

La Suisse a donc tout à craindre de la baisse de la livre sterling.

Le Brexit vu par les frontaliers

Les frontaliers sont nombreux à se poser des questions sur les conséquences du Brexit sur l’emploi helvète et de son impact sur leurs finances personnelles.

La première des préoccupations concernent le taux de change. A l’instar des crises passées, on observe ce que les opérateurs appellent un « flight to quality », à savoir la réallocation par les investisseurs de leurs positions risquées vers des actifs plus sécurisés.

Naturellement, face à l’affolement des marchés, le franc suisse s’est renforcé face à l’euro depuis l’annonce du Brexit. La Banque Nationale Suisse (BNS) est intervenue sur le marché des changes pour le stabiliser. Pour l’instant, la BNS tient les rênes.

Mais cette situation laisse présager des difficultés supplémentaires pour les entreprises suisses comme l’industrie horlogère par exemple qui exporte 95% de sa production.

Les messages du forum du blog du frontalier sont une mine d’information sur l’état d’esprit des frontaliers français.

Tout d’abord, l’Union Européenne est vue comme une entité foncièrement positive :

«L’UE n’a pas que des avantages, c’est vrai. Mais l’idée est bonne.»

«Je ne voudrais pas paraître trop UE, mais en attendant, c’est bel et bien l’UE qui protège les frontaliers»

Le Brexit paraît pour beaucoup comme une bonne nouvelle car le Royaume-Uni est vu comme un pays qui entrave le développement de l’Europe :

«non l’Europe aurait dû resté a 12/15»

Le niveau de confiance attribué à la Banque Nationale Suisse est relativement élevé :

«la BNS tiendra le cap a n’en pas douter!! Ils l’ont déjà fait sur des périodes longues donc là ils le feront aussi et dans quelques semaines la situation sera stabilisée et tout se détendra!»

mais certains s’inquiètent de la capacité de la Suisse à résister sur le long terme

«le deuxième coup sera plus puissant et plus long. Je ne pense pas que la BNS pourra le contrer.»

On s’inquiète aussi bien naturellement de l’évolution du franc suisse sur la compétitivité de l’industrie suisse. C’est-à-dire sur son propre emploi.

Bref, le Brexit est perçu de manière contrastée. Chacun comprend qu’il faut réformer l’Europe : l’intégration totale (fiscale, monétaire, militaire…) ou la résurgence des Etats Nations. Tel est le dilemme !

Et vous, pensez-vous que le Brexit impactera votre vie personnelle ?

Commentaires

  1. Bonjour Pierre,

    merci beaucoup pour cet article très bien écrit et surtout…très réaliste…

    "Le vote a mis en évidence les fractures sociales, générationnelles et géographiques du Royaume-Uni."

    OUI…! Absolument… Durant mon séjour de 1 an en Grande Bretagne, j 'ai visité toutes les régions y compris
    l ’ Irlande du Nord… J ’ y avais aussi travaillé … Des jobs pas très glorieux…mais surtout au contact des gens.

    => J ´y ai vu de profonds clivages sociaux…. Bien reconnaissables à l’ Anglais parlé et aux différents journaux lus par ces différentes couches de la population…!!

    J ’ avais donné une conférence dans une école internationale ( devant un jury…) sur la criminalité au royaume uni. Scotland Yard m ’ avait beaucoup aidé dans mes recherches, au niveau du Grand Londres…
    ( Sondage personnel de la population inclu… )

    C est une nouvelle aire qui commence avec la Grande Bretagne, pays qui risque de se morceler …
    lors de l’ éventuelle scission avec l ’ Ecosse. => On en rigole déjà et l 'on parlera de Little Britain.

    Finalement, qu ’ adviendra-t-il des nombreux frontaliers qui vont travailler tous les jours à Londres et de ceux qui y vivent…?? ( Kensington regorge de Français…) …Leur faudra-t-il un permis de travail comme en Suisse…?
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    Easy Jet, regie par le droit UK, devra aussi manoeuvrer pour s 'en sortir… Il leur faudra de nouveaux accords aériens pour pouvoir transporter des passagers hors UK, de Bâle Mulhouse Freiburg à Venise Marco Polo , par exemple… Sans Easy Jet ==> Bâle Mulhouse serait mort in facto…
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    Bertrand

  2. Easy Jet avait à ma connaissance 2 Solutions à Bâle-Mulhouse :

    1. Choisir le côté UE vec la France, et les emmerdes commencent.
    2. Le côté non UE Avec la Suisse.

    Ils ont choisi…

  3. Finalement, qu’est ce qui est pire ?

    • Un peuple qui vote souverainement et démocratiquement ?

    • Un voisin qui dès le résultat du vote connu lance la machine administrative pour opérer une sorte « d’épuration ethnique »

  4. Bonjour Alain74… et…bonjour à tous,
    .
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    merci pour la précision…concernant Easy Jet…
    => je suppose…que c’est le côté non UE avec la Suisse.

    ==> Cela me rassurerais bien, je vais souvent en Italie avec Easy Jet…

    Normalement, si on regarde bien, Easy Jet part… du côté Suisse… de l ’ aéroport…
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    Le Royaume Uni a voté décratiquement. Souverainement ? => J 'en suis moins sûr :
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    Campagne très virulente et violente pour diverses raisons… bureaucratie européenne, nationalisme, haine des étrangers , perte de souveraineté , normes excessives et aussi raisons politiques… => A s’y perdre…
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    Quelqu ’ un de " souverain" ne vient pas avec les arguments qui sont tombés durant cette campagne :
    maculés de boue…!!

    Ensuite, il y a quatre " nations" fort différentes dans l ’ Union : les Anglais, les Gallois, les Ecossais et les Irlandais … Chacun d ‹ eux m › avait rabâché ça régulièrement : … " Bertrand, we are a nation…"…
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    Il faut toujours d ‹ abord s › en prendre à soi-même…Les Britanniques ont longtemps profité de l ’ Europe, peut être déjà trop longtemps… Une Europe à la Carte.? …Comme le voulait Maggie ?.

    D’un autre côté, il faut accepter leur décision, surtout rester en bon termes… Pourquoi ne pas instaurer des accords bilatéraux, avec eux, comme avec la Suisse…? Certaines situations seraient alors immédiatement clarifiées comme celle des frontaliers…Il faut éviter de creuser un fossé…
    .
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    Si nous avons des père- fouettards comme Juncker et Cie, cela ne va pas louper… Ils sont restés tristement célèbres depuis la crise grecque… Il faut là des hommes nouveaux qui savent bien manager les situations de crise, au sein de l 'Union…

    ===> Les Américains pourraient bel et bien saisir l 'occasion et en faire une colonie américaine à part entière… La même langue, cela rapproche énormément…
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    Bertrand

  5. Easy Jet est bel et bien du côté Suisse, aucun contact avec la France, sous peine de casse par la cégété.

    C’est bien la réalité, non ? Rien de violent, ou alors le quotidien de l’UE est violent.

    Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Alors finalement, ça ne changerait pas grand chose.

    Cameron a promis ce référendum en cas de réelection, et cette promesse l’a quasiment fait élire. Il semblerait que cet avertissement en a secoué une à nos technocrates, mais sans en faire bouger l’autre, selon une formule chiraquienne. L’UE avait largement le temps de commencer à bouger, à donner des signes, ils n’ont rien fait.

  6. Si si, l’UE (et les citoyens européens) s’est faite ba…ée en février, en baissant sa culotte sur beaucoup de point, notamment en accordant le droit au UK de traiter différemment les english des ressortissants européens dans les aides sociales et sanitaires.

    Résultat: les espagnols ont annoncés vendredi matin que les retraités anglais qui vivent en espagne et coûtent un bras aux assurances santés espagnoles pour pas un rond pouvaient dès à présent aller se faire voir ailleurs!
    Par contre, Marie Sotte, ministre de la santé dans le 2e pays qui accueille le plus de retraités english, n’a rien dit. Mais bon, les frontaliers suisses compenseront via la"CUM" au lieu de « LAnal » (termes lus dans un autre post)

  7. Bonjour,

    Les retraités english dans le Périgord et dans tous le autres départements autour, ont bien du souci à se faire…Un peu comme les ressortissants genevois qui habitent en France…Il est clair que la cacophie sociale favorisée par le système Marissote, ne donne vraiment pas envie de rester en France…
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    Un responsable local anglais avait dit récemment que cela ne pouvait pas continuer ainsi…
    Le nombre croissant d ’ étrangers qui mettaient en péril et fragilisant le système de santé britannique…!!
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    Viennent ensuite les Espagnols, qui ne portent pas les Anglais dans leur coeur…
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    Eh beh…!!! C’est pas un peu tout le monde contre tout le monde…???
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    Bertrand

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