Gustave Courbet : les années suisses, l’expo à ne pas rater à Genève

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Depuis le 5 septembre 2014 et jusqu’au 4 janvier 2015, le musée Rath à Genève accueille un des maîtres français de la peinture du 19ème, Gustave Courbet.

Intitulée « Les années suisses » l’exposition se compose de toiles peintes durant la période où le peintre a vécu en Suisse.

 

 

Gustave Courbet

Né le 10 juin 1819 en Franche-Comté, près de Besançon, Gustave Courbet est un des peintres les plus controversés de son époque.

Son art bouscule les codes de son  époque. Il expose dans les salons des toiles représentant des scènes quotidiennes de la vie.
Pire encore, Gustave Courbet peint les petites gens, les ouvriers, les casseurs de pierre.

A une époque où l’art est besogneux des généreux mécènes, Courbet jouera avec la polémique pour remettre en question le statut même de l’artiste. Engagé dans des mouvements républicains et socialistes, il devra s’exiler en Suisse jusqu’à la fin de sa vie.

Ses débuts

Issu d’une famille paysanne de propriétaires terriens, Courbet découvre  l’enseignement artistique au petit séminaire d’Ornans, puis au collège royal de Besançon.

En 1839 il s’installe à Paris pour y étudier le droit et fréquente parallèlement l’atelier du peintre Charles de Steuben. C’est l’occasion pour lui de découvrir les maîtres au musée du Louvre. Il s’enthousiasme pour le clair-obscur hollandais, la sensualité vénitienne et le réalisme espagnol. Son œil fin, s’arrêtera en particulier sur les toiles des espagnols Vélasquez, Ribera et Zurbaran.

A cette même époque il fréquente la brasserie Andler où il côtoie la bohème parisienne. C’est l’endroit où se préparent les grandes théories. Il se trouve alors, au cœur de l’agitation politique et artistique.

Il se liera d’amitié avec Baudelaire ou Berlioz et va, sous l’impulsion des idéaux de la bohème, exprimer son propre style, le réalisme. Dans une société où les artistes n’existent que par leurs mécènes, il veut remettre en cause le statut de l’œuvre d’art, l’opinion des salons, le lien entre l’artiste et le pouvoir, l’image même de l’artiste.
Il ne va pourtant pas renoncer aux références des anciens et ira par exemple en 1849 en Hollande étudier Hals et Rembrandt. Il crée ainsi une peinture inédite, moderne.

Le retour aux sources

Dès 1849 il retourne à Ornans, sa ville natale, pour se plonger dans une peinture plus personnelle.

C’est là qu’il affirme une peinture scandaleuse avec laquelle il occupera le devant de la scène de 1850 à 1855. Il représente le peintre contestataire. Ses expositions personnelles séduisent des hommes qui rêvent d’une autre société.

Il peint, sa première œuvre de cette période « Une après-dinée à Ornans » ; puis « Un enterrement à Ornans » ; ou les « Casseurs de pierres ». Cette dernière œuvre a été saluée comme la première œuvre socialiste par Proudhon. Autant d’œuvres représentant le peuple de très près, créent la polémique.

Peintre engagé?

Courbet représente le peintre insoumis à l’empire. Il s’oppose à Napoléon III et refuse ainsi la Légion d’honneur. Ses idées républicaines et socialistes sont saupoudrées de provocation.
Certains historiens mettent en évidence une personnalité capable de créer un espace de libre parole, alors confisqué sous le Second Empire. Conscient de la polémique qu’il crée à travers ses œuvres, loin de s’en offusquer, il s’en accommode. Elles servent sa notoriété.

Les partisans des théories sociales de l’époque considèrent ses toiles comme l’irruption de la démocratie dans l’art. Le fourièriste Sabatier-Ungher dit : « L’heure n’est plus à peindre les nantis, l’avenir est l’art social. Il voit le peuple de très près et le voit largement. Il est appelé à devenir un peintre populaire ».

A la mort de son ami Proudhon, penseur du socialisme libertaire, Courbet dira : «Le XIXème siècle vient de perdre son pilote, et l’homme qui l’a produit. Nous restons sans boussole, et l’humanité et la révolution à la dérive sans son autorité, va retomber entre les mains des soldats de la barbarie ».

La Commune Vendôme

En 1870, la République est proclamé. Courbet est nommé président de la commission des musées et délégué aux Beaux-Arts. Il propose de déplacer la Colonne Vendôme aux Invalides, symbole des guerres napoléoniennes.
Il soutient aussi l’action de la Commune de Paris (lien) et résidera à son Conseil en 1871. La Commune décide d’abattre la Colonne Vendôme.

Après la Semaine ensanglantée, il sera tenu responsable de sa destruction et écope d’une peine de six mois de prison et de 500 francs d’amende. Après cet épisode, Courbet est astreint à la ruine, ses toiles sont confisquées et ses biens mis sous séquestre.

La période Suisse

C’est là que Courbet prend le chemin de l’exil et trouve refuge en Suisse. Pendant les cinq dernières années de sa vie il s’installe à la Tour-de-Peilz, au bord du lac Léman. Ses nombreux déplacements en Suisse et ses contacts partout dans le monde seront rapportés par la police française.

Loin de symboliser une mort artistique, comme beaucoup l’ont cru en France, Courbet, continue de peindre, sculpter, exposer et vendre ses œuvres.
L’exposition du musée Rath a pour ambition de réhabiliter cette période de la vie de l’artiste. Il parvient avec habilité à toujours organiser sa propre publicité. En 1873 ses œuvres sont exposés à Vienne, où Courbet est invité par l’association des artistes autrichiens ; il est invité par le peintre James Whistler à présenter ses tableaux à Londres ; et expose régulièrement à Boston.

Il noue des liens non seulement dans les cafés mais aussi avec les représentants helvètes. Participe à différentes manifestations, est reçu dans de nombreux cercles démocratiques confédérés et dans des réunions de proscrits. Différents peintres français lui rendent visite à La Tour.

Malgré l’exil et l’éloignement de Paris, Courbet peint des portraits de grande qualité. L’exposition du musée Rath rassemble une grande partie de ces toiles. On y trouve aussi de magnifiques paysages du lac Léman et du Château de Chillon. Le visiteur qui connaît parfaitement ces contrées ne peut être qu’émerveillé de voir le lac et les montagnes dans un épatant jeu de lumière.

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1 Comment

  1. Merci Lorna, j’ai vu l’expo en septembre mais j’avais oublié l’enchantement de ces applats de matière à même la toile, traversée par ces éclats de lumière. Merci aussi pour le contexte historique que j’avais raté.

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