Assurance santé : Visite au CDTF, le comité qui pourrait faire plier le gouvernement !

4'000 personnes présentes à l'AG du CDTF le 22 novembre 2013.
4’000 personnes présentes à l’AG du CDTF le 22 novembre 2013.

Alors que des frontaliers expriment leur découragement avant la publication du décret sur l’assurance santé privée frontalier et que d’autres associations de défense des frontaliers sont chahutées par leurs membres, le CDTF basé à Saint-Louis a tenu une assemblée générale combative le 22 novembre 2013.

 

Esprit combatif

Une heure avant l’ouverture des portes, sous une bise glaciale, un groupe compact de frontaliers se presse déjà devant le Parc-Expo de Mulhouse.

L’affiche du prochain spectacle du 28 novembre : le « Spirit of Ireland » promet du “Live”, de la danse, et des chansons.
Mes voisins me préviennent, ce soir il va aussi y avoir du “Live”.

De gauche à droite, Mme Schillinger, Mr Wiederkehr, Mr Johaneck.
De gauche à droite, Mme Schillinger, Mr Wiederkehr, Mr Johaneck.

 

Ce sera le « Fighting Spirit » du CDTF (Comité de Défence des Travailleurs Frontaliers) et de son président Jean-Luc. “Il sait mener la danse et connait la chanson”. J’étais prévenu.

La Foule convaincue

A l’heure dite, la queue allait loin dans le parking.
Mais en entrant dans l’immense salle je ne pouvais imaginer qu’elle sera bientôt pleine et que des frontaliers resteront debout.

L’AG et le sujet de l’assurance santé ont mobilisé les frontaliers

 

A côté de moi, un couple de frontalier qui ont été de toutes les campagnes me décrivent les combats auquel a pris part  le CDTF depuis plus de 20 ans :

  • Protéger les frontaliers du calcul CSG-CRDS et en obtenir le remboursement
  • Contrer les employeurs Suisses qui voulaient payer les frontaliers en Euro lorsque le CHF était fort
  • Informer des droits à la retraite complémentaire en France pour les frontaliers de plus de 60 ans qui continuent à travailler en Suisse
  • Défendre les conditions de travail dans une grande usine de conditionnement de Bâle

Pour ces inconditionnels, les victoires passées vont faire les futures victoires du CDTF.

La transparence

Depuis 1958 que le comité existe, le déroulement de l’Assemblée Générale a eu le temps de se roder.
En quelques minutes les votes s’enchaînent avec les changements de statuts, l’élection du comité directeur, les rapports financiers.

Ici, la transparence apparaît s’appliquer dans les moindres détails.
On apprendra même le coût de l’Assemblée Générale et les honoraires des avocats pour les procédures du Comité.

Mes voisins me disent que même l’achat d’un minibus avait été passé aux votes une année précédente.

Si l’Assemblée avance vite c’est qu’il faut préserver du temps pour le sujet du jour : l’Assurance Santé du frontalier.

La position

Pour le Président Jean-Luc Johaneck, la position a défendre est simple : il faut maintenir le dispositif actuel d’assurance santé privée car le travailleur frontalier est dans une situation spéciale qui mérite un régime spécial :

  • Son employeur n’est pas soumis aux cotisations patronales françaises
  • Ses horaires et la distance de son domicile rendent les processus Sécurité Sociale inopérant (visite chez un généraliste suivie d’une visite chez un spécialiste, manque d’accès aux soins en Suisse …)

Plutôt que de faire un “big bang” ingérable par la CPAM, des ajustements seraient préférables, comme l’interdiction faite à l’assurance privée de résilier un assuré pour des raisons de pathologies.

Un point fort de l’argumentaire du président c’est que le régime spécial qui pourrait héberger les frontaliers existe : la Caisse des Français de l’Etranger.

Il souligne la première incohérence du système actuel : Les frontaliers qui résident en Allemagne peuvent s’y affilier, pas ceux qui résident en France.

La seconde incohérence c’est la position du gouvernement qui, tout en affichant ne pas vouloir de régime spécial pour les frontaliers, annule le décret pour la fin du régime spécial des mineurs Lorrains.

Le combat total

Pour le comité, le cadre existe pour que tous les acteurs sortent par le haut de cette crise. Au gouvernement d’écouter et d’aller de l’avant en ce sens.
Ce qui frappe dans l’approche du CDTF c’est à la fois l’ouverture et la fermeté.

En matière d’ouverture, aucun responsable ministériel n’est nommément attaqué. Le CDTF prendra soin de ne pas rompre les ponts.
Il souligne les lacunes dans la préparation des dossiers des assistants ministériels. Ainsi le Président Johaneck préserve la possibilité d’un ajustement de la position des décideurs.

Pour ce qui est de la fermeté, fort des combats passés et des victoires engrangées, Jean-Luc Johaneck a présenté les champs de bataille à venir : Le juridique, le médiatique, le politique.
On est loin de la pétition ou de la manifestation isolée. La démarche est globale, elle en est redoutable. On nous promet que le combat sera total.

Le juridique

Pour le CDTF, le principal champ de bataille est juridique.
Comme le gouvernement estime que ce projet va apporter des centaines de millions à la Sécurité Sociale, seules des procédures à la Cour Européenne de Justice et au Conseil Constitutionnel peuvent enrayer le processus.

L’objet des premières procédures a été mentionné :

  • Sur la complémentaire santé, le salarié français ne cotise pas la totalité de la prime alors que le salarié frontalier cotiserai sur l’ensemble
  • Sur l’assurance de base, le salarié français ne cotise qu’une part réduite de la prime, le frontalier la porterai dans sa totalité
  • Sur la CFE (caisse des français de l’étranger), porter à la Cour Européenne de Justice que les frontaliers résidant en France ne peuvent pas actuellement bénéficier de la CFE alors que ceux résidant en Allemagne peuvent bénéficier de la CFE

Pour réussir ces procédures, il faudra des cohortes d’avocats.
La bataille va être longue car le conseil constitutionnel est opposé à tout régime spécial, mais Le CDTF compte mobiliser les meilleurs juristes.

Ses ressources propres ne seront pas suffisantes, aussi le CDTF va également mobiliser tous les frontaliers.
Il sera proposé à chacun une souscription unitaire de 100€. Chaque frontalier pourra ainsi contribuer pour 15 minutes d’un avocat.

Le médiatique

Il y a quelques années, une opération escargot avait bloqué l’autoroute Bâle-Mulhouse.
Cette fois-ci, un blocage par piétons pourrait être étudié. Il a été mentionné qu’il existe d’autres nœuds de communications … l’aéroport, le pipeline, Paris Bercy, le périphérique …

La crédibilité de la démarche est renforcée quand Jean-Luc Johaneck rappelle que c’est au frontalier mécontent de faire en sorte que les médias parlent de lui.
C’est sa détermination et sa responsabilité qui vont définir la nature du message.

Le politique

Les élus locaux de tous bord ont été invités. Il s’agissait de les rendre utiles à la cause des frontaliers.

En premier lieu, ils ont été mis sur un pied d’égalité.
Lorsque l’assemblée fait mine de chahuter Mme Schillinger, sénatrice de la majorité, il rappelle son escalade au Président Hollande qui a permis d’obtenir un an de sursis.
Aux élus de la majorité il leur rappelle les propos de l’ancien Premier Ministre François Fillon et de la Ministre de la santé Roselyne Bachelot.

A chacun, Jean-Luc Johaneck a ensuite proposé des contributions précises.
Aux élus de la majorité, continuer à ouvrir des portes aux ministères et à l’Elysée.
Aux élus de l’opposition, faire porter le message aux “poids lourds” qui ne se sont pas encore positionnés afin qu’ils s’expriment sur le sujet. En particulier, les représentants UMP ont été invités à contribuer à ce que François Copé se démarque de la position défendue en son temps par François Fillon.

Cette capacité à mobiliser la contribution des élus locaux de chaque bord sur des objectifs précis semble un gage de réussite.

L’associatif

Le front commun des associations frontalières ne se constituera pas pour ce combat.

Quand on voit la machine de guerre lancée à Mulhouse, on ne saurait conseiller aux frontaliers de toutes les régions de suivre ce qui se passe du côté de Saint-Louis.
C’est peut être de là que tout va se jouer. Nous vous en tiendrons informés.

14 Comments

  1. aucune des pistes du CDTF ne propose de solution globale, contrairement à ce que vous dites. La CFE ? elle ne peut de toute façon pas concerner les 25000 frontaliers de nationalité suisses residant en france et travaillant en Suisse. L’interdiction pour les assurances privées de résilier un contrat pour raison de santé ? La plupart n’ont pas besoin d’en arriver à cette extremité pour se séparer des « mauvais risque », il leur suffit soit d’augmenter le tarif pour « risques aggravés » et les fontaliers concernés ont vite fait leur calcul, soit d’attendre que le salarié soit licencier (ce qui ne tarde pas en Suisse).dans les deux cas, le frontaliers retourne….à la sécu. Non, rien de serieux pour moi dans cette AG. La seule solution viable serait d’obliger les assurances privés à assurer les frontaliers toute leur vie (y compris en cas de chomage, maladie, retraite). Mais là les tarifs exploseraient !!!

  2. En fait la seule vrai solution serait que les frontaliers ne puissent s’assurer qu’à la LAMAL. Le droit européen est très clair. Les travailleurs doivent être assurés sur leur place de travail. Point final.

  3. Aussi bien pour ce qui est du GTE que du CDTF, le sérieux de leurs propositions est totalement absent. Comment croire des groupements qui sont de mèche avec les assureurs ? Commet croire les assureurs privés français qui veulent défendre leur peau en laissant aller les gens à la sécu afin de récupérer les complémentaires derrière ? Le droit européen, le droit français, le droit suisse autorisent les assurances étrangères à assurer les français, frontaliers ou pas. Les nombreuses récentes émissions de TV, radio, les questions des députés au gouvernement (voir sur le site de l’Assemblée nationale) montrent bien que l’omerta sur la fin du monopole de la sécu est de moins en moins controlable par le gouvernement. Trop de gens n’ont pas intérêt à voir la sécu tomber, et pourtant le mouvement s’est accéléré depuis 1 an et rien ne pourra aller à l’encontre de ce mouvement.

  4. Au vu de vos commentaires, vous me semblez résignés… je trouve justement que les actions du CDTF et propositions sont « soutenables », surtout de faire en sorte qu’un frontalier travaillant en suisse ne puisse pas sortir de son système d’assurance privée. Il le pourrait après une période de travail en France d’une certaine durée, 1 an par exemple.

    Et que le droit d’option ne s’applique pas quand on arrive à la retraite ce serait la moindre des choses.

    Bref des aménagements censés. Même si à cause de ça les primes des assureurs privés doublaient, ce serait de toute façon moins cher que la Lamal ou la CMU, et surtout qui permet d’avoir une couverture sur les 2 pays. Car se faire soigner en France avec la Lamal est possible, mais c’est pas si simple que ça en a l’air.

    Maintenant si vous souhaitez prendre une assurance européenne, pourquoi pas, mais le cas du frontalier est tellement complexe que je suis meme pas sûr qu’ils assurent. Vous pensez qu’ils couvriraient les soins en France ET en suisse? j’ai peur que la négative s’applique…

    1. Les assurances européennes assurent et couvrent en France, en Suisse, et partout dans le monde. J’ai déjà souscrit chez une d’elle pour le 1er janvier. Le cas du frontalier n’est pas complexe, les assurances européennes assurent n’importe qui, français, belges ou thaïlandais.

  5. Ah aussi, j’ai eu une présentation de mon « assureur » au travail, pour eux les primes des « complémentaires couvrant les soins en suisse » seraient seulement de 10 à 20% moins chères que les contrats branche totale actuels!!
    Donc que les assurances privées « totales » survivent, c’est plus qu’important…

    1. Vous savez maintenant pourquoi les assureurs privés actuels ne font rien pour défendre les frontaliers (et GTE compris qui est de mèche avec eux)… ils ne perdront aucun business demain avec les complémentaires.

  6. Ouais… Pas folichon tout ça… Pour le GTE, ne cotisez plus.

  7. C’est clair… c’est pas folichon.
    L’assurance européenne pour le frontalier, c’est légal ou pas alors? car pour les travailleurs français ça semble compliqué, mais pour nous?

    D’ailleurs, j’envoie déjà mes fiches de soins à MSH international, qui je pense est une assurance européenne mandatée par Allianz…

    1. Fabrice, Faites-vous une idée vous-même, allez voir sur cette page, il y a pleins de liens :
      http://sans-langue-de-bois.eklablog.fr/les-gros-mensonges-de-la-securite-sociale-a92120669

      D’autres liens sur la deuxième page de ce merveilleux blog : http://test.welcome-suisse.ch/2013/10/actualite/dossier-cmu-2014-6-a-8-pourcent-rf-5254.html Il y a de la lecture, prenez le temps, ça vaut le coup !

      Franchement les arguments sont bien plus consistants que ce que peuvent avancer le GTE ou les autres groupements.

  8. Pourquoi un salarié travaillant en France ne cotise que 0.75% de son salaire pour son assurance santé alors qu’on demande 8% à un frontalier ? C’est contraire au principe d’égalité et profondément injuste.

    1. Guy > L’employeur de ce salarié français cotise lui à 12,8% pour la sécurité sociale… Au final, c’est 13,55% du salaire de l’employé français qui est consacré au poste d’assurance maladie obligatoire.

  9. Bonjour,

    Je suis de nationalité française, je vis en France et je travaille en suisse.
    Est ce que j’ai le droit d’aller à lamal pour éviter la sécurité sociale??

    Merci de votre retour.

    1. Si vous avez actuellement une assurance privée non, sauf retour sur le territoire suisse.

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