Tout savoir sur l’histoire des frontières entre Genève et la France : entre Gex et la Savoie

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Les frontières entre Genève et la France restent complexes avec ses zones franches et sa frontière lacustre.
Les frontières entre Genève et la France avec ses zones franches et sa frontière lacustre

Genève est un petit canton de 283 km² et possède 110 km de frontière avec la France, pour seulement 4 km avec le canton de Vaud !

Qui aurait cru que cette « excroissance » genevoise ne soit rattachée que si peu à la Suisse ?

Après avoir donné une brève histoire des frontières entre ces deux pays, nous montrerons quelles sont les particularités de la frontière lacustre et des zones franches.

Les frontières font encore et toujours parler d’elles !

 

 

Brève histoire de Genève et de ses frontières

L’histoire de Genève remonte à très loin, mais commençons par l’occupation des Romains (-120 av. JC) à l’extrême ouest du lac Léman, remplacés par les Burgondes durant le Haut Moyen-Âge (1030) et les Francs.

Armoiries municipales de Genève
Armoiries municipales de Genève

La ville tombe ensuite entre les mains des évêques qui s’attribuent des annexes territoriales en alentours de la ville, période qui évoquera la clef de Saint-Pierre des armoiries municipales genevoises.C’est la Réforme qui marquera la fin de la période d’administration cléricale en 1536.

La ville se proclame alors République libre et protestante, et le restera jusqu’à la Révolution.

Les territoires genevois se divisent à cette époque en 5 : Genève ville, à l’ouest une zone Satigny-Chancy, Gy-Jussy à l’est, Genthod et Céligny sur la rive nord du lac.

En 1754, un premier traité signé à Turin entre la République de Genève et la Savoie opère des échanges de terrains. 40 ans plus tard, la France annexe le secteur et fait de Genève le chef-lieu du département du Léman.

La défaite de Napoléon à Leipzig en 1813 permet à la Suisse de se libérer et de conclure un pacte fédéral le 7 août 1815.
Les cantons du Valais, de Neuchâtel et de Genève rejoignent la Confédération.

Pour faciliter les connexions territoriales avec Genève, la France, propriétaire alors du pays de Gex, cède la commune de Versoix. Seule la ville de Saint-Julien-en-Genevois, d’abord rattaché au canton, se verra rétrocédée en 1816 au royaume de Piémont-Sardaigne (auquel appartient alors, pour encore quarante ans, la Savoie), la jugeant stratégique puisqu’elle relie le Châblais au Vuache.

Le tracé de la démarcation franco-suisse n’a globalement pas évolué depuis 1816, même s’il n’a cessé d’être agité par des aménagements, de l’urbanisme inattendu, des canalisations d’un cours d’eau, et d’anciens repères effacés ou déplacés. Par exemple, l’Aéroport de Genève est agrandit sur le territoire français en 1962, la commune de Soral est réaménagée en 2000 ou encore le Nant de l’Ecra(z) est échangé dans le but de servir de support à la frontière du CERN en 2003.

Genève et ses frontières françaises actuelles
Genève et ses frontières françaises actuelles

 

La frontière lacustre

Il existe également la frontière lacustre du lac Léman qui partage Genève et la France.

Le 30 octobre 1564, un traité entre la Savoie et la France indique que la ligne de démarcation passe par le milieu géographique du lac, mais ne mentionne rien à propos des chevauchements Genève/France ou Vaud/France, ce qui engendre plusieurs conflits en terme de pêche.

Cette situation ne se réglera qu’en 1957 par l’adoption d’un traité et la définition d’une courbe polygonale de sept segments suivant du mieux possible le milieu géographique du lac.

La "frontière lacustre" entre Suisse et France.
La « frontière lacustre » entre Suisse et France.

 

Les zones franches

Dans une Europe en devenir, les zones franches autour de Genève semblent être dépassées. Et pourtant, pour les habitants des zones comme pour Genève, elle revêt une grande importance : les zones franches, c’est la revanche de la géographie sur l’histoire et des guerres nationalistes et religieuses.

Il existe trois zones franches : la zone du Pays-de-Gex, la zone savoyarde et la zone de Saint-Gingolph. Ces zones permettent la circulation de produits exonérés de droits de douane.

Jusqu’aux guerres de Napoléon, les franchises locales accordées à Genève par ses voisins permettaient de désenclaver la ville à une époque où elle dépendait de ses voisins pour les transports et son approvisionnement.
Plus tard, Henri IV garantit à Genève l’exemption des péages dans le Pays de Gex et la franchise totale pour le commerce genevois dans le baillage. Les habitants du Pays de Gex furent ainsi exonérés de tous les droits de douane à l’importation et à l’exportation.

Du côté de la Savoie, c’est le Traité de paix de St-Julien en 1603 qui mit fin à la guerre déclenchée par l’ «Escalade» et accorda à Genève le libre commerce ainsi que l’exemption des péages.

Frontières de Genève avec la Savoir et le pays de Gex
Frontières de Genève avec la Savoir et le pays de Gex

Ces franchises, remises en question par de nombreuses guerres, furent étonnement constamment renouvelé et durèrent jusqu’à la Révolution française.

La zone franche du Pays de Gex fut instituée par le Deuxième Traité de Paris en 1815. La Confédération reçut de la France, les communes du Pays de Gex nécessaires à sa liaison avec le nouveau canton. Au lendemain de la 1ère guerre mondiale, la France souhaitait supprimer les zones franches du Pays de Gex et de Savoie.

Un accord a été signé le 7 août 1921, mais cette convention fut rejetée à une énorme majorité le 8 février 1923 par le peuple suisse consulté par référendum. La France passa outre et repoussa sa frontière douanière jusqu’à sa frontière politique.
L’affaire fut portée devant la Cour permanente de Justice internationale de La Haye, qui ordonna de rétablir les zones franches. La nouvelle limite douanière se fit sur les crêts du Jura, avec un poste de douane au col de la Faucille et des bureaux fiscaux afin de percevoir les taxes sur les marchandises. Après l’entrée de la Suisse dans Schengen en 2008, la France a démantelé ces bureaux fiscaux et douaniers.

Quant à la zone franche de Haute-Savoie, elle fut instituée par le Traité d’Accommodement entre la Suisse, le canton de Genève et la Sardaigne, signé à Turin en 1816.
En même temps, une petite zone franche, de largeur irrégulière, englobant le petit et le grand Salève jusqu’aux Pitons, fut créée au-delà de la limite du canton. C’est encore aujourd’hui la zone franche de Haute-Savoie.

Sources

  • « Genève et Savoie ; une histoire, une frontière », Topo, Géomatique Expert n°62, Avril-mai 2008
  • http://www.patrimoineindustriel.ch/ZONES-FRANCHES/buffat.htm
  • http://lacleman.blog.lemonde.fr/2012/11/10/sil-te-plait-dessine-moi-une-frontiere/

2 Comments

  1. Merci pour ce petit résumé.

  2. Arrêtez de parler de la Sardaigne à la place de la Savoie. Pour rappel, c’est la Maison de Savoie qui régnait sur la Sardaigne et non l’inverse! Je sais bien que le monument du Rondeau à Carouge affirme que la ville « sarde » c’est offerte à Genève (et donc à la Suisse), mais la réalité c’est que Carouge a été ni plus ni moins prise sans aucune contrepartie après la défaite de Napoléon (avec quasiment ce qui fait le Canton aujourd’hui). Eh oui, Genève fut allobroge et parlait l’arpitan, comme à Chambéry, à Grenoble, à Lyon, et même à Saint-Etienne.
    Genève est bien suisse, depuis un peu plus de deux cents ans, et personne ne prétendra le contraire. Dommage simplement qu’elle est si peu de mémoire…

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